Cléo se présente.

Mon instinct est très sûr ; je ne dis pas cela pour satisfaire un quelconque ego, ce besoin me semblerait bien futile. Non, je suis tout simplement lucide. C'est pourquoi je déclare sans rougir ou mentir que je suis précise dans mes spéculations, et obstinée dans l'effort. Là où d'autres mieux lotis par la chance échouent par dilettantisme ou manque de persévérance, je triomphe grâce à ma réflexion. Quant à ma froideur et ma réserve... Je ne les nie pas, certains s'en plaignent, d'autres s'en accommodent.

J'ajouterai que tout chez moi est calculé, pesé, combiné, mesuré à l'aune d'une peut-être médiocrité ou d'une avarice sordide, que sais-je. Parfois sournoise, souvent hostile, quelque fois hautaine, il ne faut guère m'accorder une quelconque confiance. Je suis certes dotée d'un arrivisme lent, patient, obscur qui me permet en outre de cultiver le goût de la ruse, de la dissimulation. Quant à mes actes, mes gestes, ou mes paroles, ils sont parfaitement calculés. Il est alors bien évident que je suis capable de préméditer longuement les actes les plus terrifiants. Impassible, nonchalante, on me qualifie d'indifférente amusée. J'agis dans l'ombre, pas seulement car mes actes sont obscurs. Il m'est plus aisé de remplir mon travail dans les recoins sombres d'une ruelle.

Je n'ai pas d'idéaux, je sers simplement mes intérêts et dans un deuxième temps, ceux de mes employeurs. Je n'éprouve ni haine ni amour, seulement le désir d'accomplir mon travail. La grande majorité des humains ou extraterrestres me sont indifférents ; l'autre partie, qui regroupe mes employeurs et mes cibles, me concernent. L'une plus longtemps que l'autre. La société ne me parait ni bonne ni mauvaise ; elle oscille entre deux. Je la côtoie peu, même si mon calme et ma réflexion me permettent de l'approcher. Or parfois, la solitude me semble plus enviable.

Physique : Je n'ai guère le loisir de me regarder dans un miroir, et quand même je l'aurais, je ne le prendrais pas. Je me connais assez pour cela. Je pourrais certes, vous parler de mes cheveux bruns, courts et entamer un débat concernant les tons de ceux-ci. Couleur d'ébène ou non ? Mais je ne le ferais pas. J'aurais pu alors poursuivre sur mon regard sombre, qui se veut perçant. Et mes lèvres ? Pâles, sensuelles peut-être. Mon corps est entraîné pour tout type de combat et d'endurance. L'expression de mon visage est souvent froide et indifférente ; aucune émotion n'y est apparente. Je pourrais alors vous expliquer que c'est parce que je ne ressens rien, hormis la douleur physique. Mais je ne le ferais pas. Car il vous suffit de me regarder.

Biographie : Je suis née sur la planète Orden, il y a 28 ans de cela. Mon enfance semble à juste titre dramatiquement banale ; orpheline, élevée par un oncle impitoyable et sanguinaire. Ce qui est tragique, c'est que je ne garde aucun souvenir de cet oncle lorsque j'étais enfant, seulement son nom, Audran. Il était un mercenaire réputé dans la région où nous vivions. Puisque mon oncle me considérait comme un fardeau, il décida de me rendre utile, et c'est tout naturellement qu'il m'enseigna le banditisme et les Valeurs des Assassins. Bien sûr, après la théorie vint la pratique. C'est à l'âge de quinze ans que je commençai à joindre les gestes aux paroles. Voler, tuer, mentir, trahir, combattre, vaincre, se venger. Je n'eus pas le choix. Mais même si je l'aurais eu, qu'aurais-je fait ? Des actes similaires.

Audran m'apprit que mes parents avaient été des loyalistes ; des fervents défenseurs de la loi luttant pour une paix utopique. Ce peu de connaissances relatives à mes géniteurs n'avait guère influencé mes choix ; ils auraient été des âmes neutres, rien n'aurait changé. Qu'avais-je à faire des opinions de deux morts ? En compagnie de mon oncle, j'ai voyagé dans une bonne partie de la Galaxie. Je lui servais d'espion ou d’appât. Je tirais un grand savoir de ces voyages, décisif sur ma vie future. Je ne nierais pas que j'ai fait coulé une quantité importante de sang ; je n'en ai pas honte. Ni fierté. Lors de mon vingtième anniversaire, je tuais mon oncle ; ma formation d'assassin avait été complète. Sa présence et sa compagnie m'étaient donc inutiles. Je pense qu'Audran s'y attendait ; je souris à l'idée que cet homme avait même prévu sa mort. Seule sourire que j'éprouverais à son évocation.

Je volais ensuite un vaisseau, après avoir charmé son futur ex-propriétaire. Je n'avais pas de destinations particulières, juste cette morale : offrir ses services au plus offrant. J'ai par la suite abandonnée le vaisseau ; j'ai ainsi été membre de plusieurs équipages. J'ai été mêlé dans bien des batailles, sans réel but. Aujourd'hui comme hier, je joins les gestes aux paroles. Voler, tuer, mentir, trahir, combattre, vaincre, se venger. Je n'ajouterais rien, d'ordinaire je ne parle pas de la vie - et encore moins de la mienne - mais je sème la mort.
Traits distinctifs : Plusieurs petites cicatrices sur mon visage ; je ne sors pas toujours indemne de mes combats.