[L'éternité] Il y a des jours avec et des jours sans.

Salem Vermeer était un colon comme bien d'autre, vivant sur une petite colonie humaine des systèmes Terminus. À cause d'un raid pirate et la perte de toutes ses richesses, Salem du se résoudre à devenir lui-même un criminel notoire pour subvenir à ses besoins. Ses casses, organisés avec d'autres fermiers tombés dans la même déchéance que lui, avaient bien fonctionnés les premières semaines. Alors qu'il tentait de s'en prendre à un entrepôt d'un petit commercial sur Illium, son groupe fut appréhendé par une unique personne. Salem fut le seul survivant. Il fut revendu comme esclave.
Foen commençait sa matinée à Illium alors que finissait l'histoire du fou qui pensait réussir sa vie dans l'illégalité. Était-ce Salam? Slalom? Foen n'en avait plus aucune idée. Connaître l'identité de victimes aussi peu recherchées ne lui était d'aucun intérêt. Le fait qu'ils deviennent des criminels non plus. Cela lui remplissait les poches.
Elle avait décidé de rendre visite à la tenancière du bar de l'éternité. C'était là qu'elle venait chercher les infos dont elle avait besoin. Autant le barman de l'étoile noire en avait marre qu'on lui pose des questions, autant Aethyta n'était pas avare en paroles.
La chasseuse de prime entra dans le bar d'un pas sûr. Elle portait une veste en cuir noir sans manches où deux épaulières en métal faisaient office de maigre protection. Elle était ouverte et laissait entrevoir un haut moulant gris anthracite au motif ligné. son pantalon, aussi sombre que sa veste, s'arrêtait aux genoux là ou commençait ses bottes hautes. Chacun de ses pas claquaient sur le plancher à cause des semelles métalliques. Ces chaussures appartenaient autrefois à une chasseresse Asari qui avait osé se moquer de Foen. Mais la malheureuse chasseresse n'avait à présent plus de langue pour prévenir quiconque de son erreur.
Chaque personnes du bar pouvaient apercevoir une épée repliée sur elle-même attachée dans son dos. Un shotgun ornait ses flancs.
L'Asari s'approcha du bar et ne vit qu'un humain qui s'y morfondait. Elle s'assit sur une chaise et posa ses coudes sur le comptoir.
-Comme d'habitude ? demanda la tenancière.
Foen leva son bras et activa son omni-tech. Une somme de cinq crédits atterrit dans le compte en banque de la Matriarche.
"Comme d'habitude.
-Foen, Foen, Foen, répéta Aethyta. Qu'est-ce qui t'amène ici? Ca fait un bout de temps que je ne t'avais plus vu."
Elle tendit le verre plein à la chasseuse de prime qui le prit et le but tout aussi sec.
"La routine.
-Tu as encore remplit nos geôles? Comme si les criminels ne manquaient pas sur Illium. Ils n'ont pas la même rengaine que ceux qui trainent sur Oméga, mais leurs mœurs ne sont pas différentes. Enfin, du moment qu'ils me payent j'en ai rien à foutre.
-T'aurais pas un tuyau, au lieu de causer inutilement?"
Aethyta haussa les épaules, pensant qu'il était inutile de poursuivre une conversation normale avec elle.
"J'ai entendu parler d'un Turien. Un certain Nazer Kanius. Il parait qu'il erre du côté de...
-Déjà attrapé.
-Tu connais Rochard Krem? Ce krog...
-Ah, l'affreux? Il m'a rapporté cinq-milles crédits.
-Salem Verm...
-Il sera libéré de son contrat de sevrage dans moins de vingt ans s'il s'y prend bien.
-Mais tu sais que tu vas libérer nos rues de la vermine, toi?
-Tu veux me trouver un nom de super-héroïne?"
La tenancière éclata de rire.
-Ca se pourrait bien. De toute façon, tant que vous les chasseurs de primes chasserez pour l'argent, vous ne serez pas plus respectables que tous ces criminels errants.
Foen se leva brusquement et posa ses deux mains sur le comptoir. Elle n'appréciait pas particulièrement la compagnie d'Aethyta mais ses palabres lui faisaient passer le temps. Toutefois, elle dépassait souvent les limites.
"J'ai d'autres buts.
-Bien sûr. Ramener la paix dans le monde. Je n'en doute pas.
-Tu parle à Foen ! Foen Hix ! Je suis la meilleure ! Je n'ai pas de buts matériels comme la plupart des autres chasseurs. Ne me compare pas à eux."
La chasseuse de prime regarda derrière elle. Les clients du bar parlaient gentiment entre eux devant un verre de spiritueux. Foen trouvait que cela manquait d'animation, et ce qu'elle avait en tête était une excellente manière d'imposer son point de vue. Elle regarda longuement la tenancière de ses yeux rond. C'était un regard de dingue et Aethyta en était bien consciente. Elle n'avait jamais trouvé Foen très stable psychologiquement. La matriarche était habituée depuis le temps qu'elle la côtoyait, mais ses manières et ses airs effrayants n'étaient pas bon pour son commerce. Heureusement pour elle, Foen ne passait pas souvent par Illium et ses visites n'étaient jamais très longues.
L'Asari frappa un grand coup sur le comptoir pour attirer l'attention de la tenancière.
-Personne ne m'arrive à la cheville, d'accord? D'ailleurs, je vais te le prouver, dit-elle en se détournant du bar.
Elle avisa une table vide et sauta. Foen retomba lourdement sur la table dans un fatras métallique. Sa "grâce" n'était pas un de ses atouts, loin de là. Les regards étaient surtout tournées vers ses bras musculeux.
La chasseuse de prime héla la foule en levant les bras.
-Je m'appelle FOEN ! Je suis l'Asari la plus classe et la plus forte de la galaxie ! FOEN, vous m'entendez? Venez me défier, si vous ne me croyez pas ! Hah !
Elle avait dit cela avec un air hautain et sûre d'elle qui pouvait faire son petit effet. On pouvait la défier seulement pour enlever ce sourire suffisant de sa face. Mais dans une population qui comptait principalement des civils, la simple vue de ses armes pouvait en faire déglutiner plus d'un.
Foen avait refermé son poing sur la poignée de son épée sans la dégainer.

Son petit numéro n'allait tenter personne et Foen le savait, comme à chaque fois qu'elle venait dans de pareils endroits. Elle n'était pas assez folle pour se mettre les autorités à dos et généralement, l'issue se finissait toujours de la même manière : personne ne relevait le défi et l'Asari traitait les clients du bar de lopettes en repartant. Mais pas cette fois-ci.
Cette fois-ci, un humain téméraire s'était avancé pour lui faire face. Il avait haussé la voix alors qu'elle lui tournait le dos. Foen virevolta pour le fixer, un sourire satisfait collé au visage. C'était l'humain qu'elle avait remarqué au comptoir. Il fallait dire que la plupart du temps, les clients agglutinés autour du bar étaient les plus intéressants.
Elle n'avait pas pris le temps de l'examiner, le jugeant peu intéressant, mais elle ne s'en priva pas maintenant qu'il avait jugé que ses tripes pouvaient être répandues par terre. Grand garçon, cheveux bruns et yeux sombres ; il avait un visage caractéristique. Quoique pour une Asari, si tous les humains leurs paraissaient si différents, c'est par ce qu'elles-mêmes se ressemblaient chacune assez fort pour qu'elles aient l'audace de s'appeler "soeur" entre-elles.
Elle rigola franchement après son monologue.
-Et pourtant, tu m'as répondu. J'ai trouvé ce que je cherchais ici alors que tu essaye de me prouver le contraire, humain.
Elle sauta de la table pour effleurer le sol de ses pieds. Elle fixait Ellhann de ses yeux ambrés, un sourire carnassier aux lèvres. Foen dégaina son épée modulaire qui prit sa forme originelle en quelques secondes. L'arme qui ressemblait à un carré munis d'une poignée s'étira en longueur pour atteindre un bon mètre cinquante. Elle était aussi longue que large. En appuyant sur un bouton, Foen activa un système qui fit apparaître un arc électrique sur la lame, de manière à augmenter de manière exponentielle son potentiel destructeur.

Spoiler:

Elle prit son arme à deux mains, la pointant sur le soldat qui n'attendit pas pour réagir. L'Asari aurait haussé un sourcil si elle en avait eu un. Non seulement il était téméraire, mais il était aussi biotique ! Chose qui lui avait été refusée, à elle. Foen compensait ce manque avec sa force physique.
Ellhann bondit vers la chasseuse de prime en utilisant sa biotique. Cette dernière aurait été déstabilisée si son corps n'avait pas été rompu au combat, même si elle ne savait pas elle-même combien de temps ce-dit corps avait vécu. Elle avait réagit au quart de tour en offrant le plat de sa lame à l'attaque pour parer le maximum et éviter les dommages. La projection était néanmoins puissante et Foen le ressentit plus fort qu'elle ne l'aurait cru. Sa garde avait volé en éclat et elle avait été obligée de reculer d'un pas pour ne pas tomber. L'humain ne s'était pas prié pour profiter de cette ouverture et lui avait lancé un uppercut au visage. Il s'était ensuite éclipsé rapidement de son allonge pour ne pas se prendre un malheureux coup d'épée.
Foen reprit rapidement ses esprits et s'élança vers Ellhann qui avait reculé jusqu'au comptoir. Elle fit un bond prodigieux, lame levée, pour ensuite retomber sur le sol dans un fartas épouvantable. L'humain avait réussit à se soustraire à l'attaque mais le bar était à présent fichu. L'arme de la chasseuse de prime était rentré à travers comme dans du beurre et elle la retira sans plus d'efforts avant de craquer sa nuque en balançant sa tête de droite à gauche.
-Hé, j'ai trouvé une anguille, dit-elle avant de charger à nouveau.
La force de cette Asari était monstrueuse. Même si elle avait déjà détruit une élément du décors, il était aisé de ressentir qu'elle se retenait pour ne pas exploser la totalité du bâtiment.
Ellhann n'était pas rassuré malgré le manque de vitesse de Foen. La force brute de cette dernière était étonnante et ses coups destructeurs. S'il se faisait toucher ne fut-ce qu'une seule fois, c'en était finis de lui ; voila la triste pensée qui occupait son esprit.

Autour des deux protagonistes, c'était la panique chez les civils. Les trois-quarts avaient déjà quittés le bar sans ménagement et dans la panique après la destruction du comptoir. Aethyta rageait, mais elle aurait ses compte avec Foen après la bataille.

Alors que la chasseuse de prime lançait une autre attaque qu'Ellhann s'était bien évidemment empressé d'éviter, ce dernier se prit les pieds dans une table et tomba à la renverse comme un débutant.
Un sourire illumina le visage de Foen, bien qu'illuminer ne soit pas vraiment le mot exact. Rendre effrayant serait plus juste, si l'on prenait en compte que ce sourire était carnassier. Elle pointa son arme vers le soldat avec l'intention visible de le zigouiller, lorsqu'un bataillon d'Asari pointèrent leurs fusils d'assaut sur la chasseuse de prime.
Foen râla.
-Ils viennent toujours gâcher les meilleurs moments.
Cela dit, elle garda Ellhann en joue. L'une des officiers prit la parole.
-Foen... Foen ! Pourquoi ça ne m'étonne pas? Rengaine ton arme, tu as été trop loin cette fois-ci.
La chasseuse de prime s'exécuta, laissant l'humain tranquille.
-Trop loin? J'ai lancé un duel, il m'a répondu, dit-elle avec nonchalance en haussant les épaules. C'est l'avancement naturel des choses. C'est bien par ce que personne d'autre à part lui n'a eu les tripes pour me répondre que ça ne s'était jamais produit auparavant.
-Je devrais t'expulser.
-Et tu ne le feras pas. Mes petites magouilles vous rapportent autant qu'à moi. Ce serait dérangeant de ne plus avoir l'Asari la plus forte de la galaxie à vos côtés.
-C'est mon dernier avertissement ! dit l'officier excédée, honteuse qu'un de ses petits secrets ait été étalé en public. Elle devint plus vindicative pour reprendre contenance. Quoi que tu sois, si tu fous la merde encore une fois ; tu partiras d'ici pour ne plus jamais revenir.
La chasseuse de prime laissa échapper un sifflement mécontent et croisa ses bras. Son regard se posa sur l'entièreté de la salle. Outre le comptoir explosé et les chaises en désordres, la salle n'était pas si en grabuge que cela. Elle remarqua une chose inhabituelle ; une Asari était restée assise calmement même si l'entièreté des civils avaient pris peur et s'étaient enfuis.

Foen avait les bras croisés, elle se tenait immobile alors que les officiers remettaient un peu d'ordre dans l'éternité. La civile qu'elle fixait s'était levée et avait planté son regard turquoise dans celui de la chasseuse de prime. Elle n'avait pas d'intention hostile, ce qui surprit l'Asari. Cet échange paru lui durer une éternité.
Son regard farouche n'inquiétait pas l'inconnue. Les pupilles de Foen, aussi rétrécies que si elle avait été en plein soleil, lui donnait un air fou. Malgré l'étrange sensation qu'elle ressentait, son air était hautain et elle fixait intensément la civile dans une bravade insolente.
Cette dernière lui sourit. Foen fut momentanément déstabilisée et elle perdit son air bravache. Il était plus courant de ressentir de la haine ou du mépris lorsque l'on défiait cette effrontée. De sa courte vie, Foen n'avait pas le souvenir qu'on l'ait déjà traité de cette manière.
Elle n'eut pas le temps de se questionner plus encore. Aethyta s'était avancée vers elle, visiblement furieuse.
-FOEN ! Je vais te... je vais... regarde ce que tu as fais à mon bar ! ... Foen? FOEN ! Tu m'écoute ?!
Ce fut avec une brutalité pas banale qu'elle revint à la réalité. La chasseuse de prime cligna des paupières et regarda autour d'elle d'un air perdu avant de trouver l'origine du bruit : la barman.
-Regarde-ça, fit-elle en lui montrant le trou laissé par son énorme lame. Ce genre de détail fait fuir les clients. Outre le fait que tu vas me...
-OUAI ! C'est bon. D'accord. J'ai compris ; je vais te le rembourser, de toute façon, c'est pas comme si j'avais moi-même assez d'argent pour m'occuper de mes propres problèmes.
-Il y a des moments ou je me demande si tu n'aurais pas du vent à la place d'un cerveau. Si t'avais pas envie de perdre ton pognon inutilement, c'était pas la peine de foutre le boxon dans mon bar.
Foen grommela.
-Tu sais quoi? Je sais très bien qu'il n'y a rien dans ma boite crânienne. En tout cas, il n'y a plus grand chose que je puisse contrôler.
La tenancière soupira de dépit et retourna s'occuper du comptoir. Aussi étonnant que cela puisse paraître, la civile de tout à l'heure s'avança vers le petit groupe et demanda d'un ton très doux si quelqu'un voulait passer commande. C'était assez cocasse.
Foen s'adossa contre le mur, ferma les yeux et détourna la tête pour rester à l'écart.

Foen s'était instinctivement fermée aux remarques en s'isolant du groupe. D'habitude, elle était extravertie et exubérante et elle n'agissait pas souvent de cette manière. Seulement lorsqu'elle boudait.
Bien évidemment, c'était une règle, voire un devoir pour certain de déranger les personnes qui se morfondaient de leur propre chef. L'Asari au regard turquoise s'était approchée de Foen. Cette dernière avait rouvert les yeux et fixait la paume tendue de la civile.
Scylla était plus grande de quelques centimètres. Cette différence qu'elle remarquait souvent par apport à ses sœurs Asari l'exaspérait. Selon elle, une plus grande taille l'aurait aidé à laisser l'image indélébile de quelqu'un d'impressionnant. Au lieu de cela, elle n'atteignait même pas la moyenne.
-C'était impressionnant...
Haussement de sourcil.
-Une hargne hors nome... Fracassant.
"Impressionnant, 'faut avouer. Matriarche ! Vous n'êtes pas d'accord?"
Foen n'en croyait pas ses oreilles. Elle était tombée sur quelqu'un d'étrange. Elle avait mis le bar en dessous dessus et elle arrivait encore à recevoir des éloges. Ce n'était pas fréquent. En fait, ça ne lui était encore jamais arrivé.
La chasseuse de prime reprit contenance lorsqu'Aethyta mit elle aussi son grain de sel.
-Vous trouvez? Des années d'entraînements ! Enfin, je crois, souffla-t-elle en se grattant la nuque.
Elle se détacha de son coin sombre et suivit l'Asari jusqu'au comptoir. Au passage, elle lança un "Tu t'es bien battu, l'anguille", à Ellhann, suivit d'un "Il va falloir qu'on remette ça... sans interruption" avec un sourire effrayant qui laissait entrevoir ses deux canines. De bien grandes canines si vous voulez mon avis.
Elle n'eut pas le temps de prendre commande qu'une autre bizarrerie se passa. Et évidemment cela concernait encore cette civile. Les mêmes yeux turquoises qui avaient eu le mérite de déstabiliser Foen la fixait derechef. Elle ressentit encore une fois une impression étrange, comme si son âme était sondée par ce mystérieux regard. C'était encore pire que de recevoir un sceau d'eau glacée sur la tête. Scylla marmonna des choses que Foen n'entendit pas.
-Hé, ça va?
Pas de réponse. La civile baragouinait encore des choses qu'elle ne comprenait pas, mais de plus en plus fort.
-Pardon? s'étonna la chasseuse de prime. Il faudrait... peut-être éviter l'alcool.
Foen n'avait pas l'habitude d'avoir peur. Bien sûr que non, dans l'état actuel des choses, elle ne connaissait pas la peur. Si elle avait été un peu plus normale, elle aurait pu être terrifiée par ces psaumes délirants. Mais c'était une dur. Au fond d'elle, Foen était reconnaissante envers cette civile. Quoi de plus naturel que de s'inquiéter lorsque cette dernière agissait de manière étranges. Comme si elle était ailleurs, pensa la guerrière.
-Qui es-tu? demanda Scylla, la tête toujours tournée vers Foen. Ca lui était adressée, à elle seule. Elle resta silencieuse, prise de court.
La civile reprit soudain contenance et s'intéressa à l'ensemble des protagonistes.
-Qui êtes-vous...? Moi, c'est Scylla.
Enfin quelque chose de plus ou moins normal. Foen avançait en terrain connus. Elle sourit, confiante, prête à ressortir son pamphlet téléphoné qu'elle avait servit aux clients du bar un peu plus tôt, mais elle se ravisa. Elle ne savait pas pourquoi, mais l'étrange présence de Scylla lui disait que ça ne marcherait pas aussi facilement avec elle.
-Qui je suis? , répéta-t-elle en passant pour une ahurie.
La phrase avait été choisie soigneusement. enfin, elle le pensait. L'Asari aurait pu en rester à des présentations plus banales en ne demandant que le nom où d'autres conneries de ce genre. Dans ce cas-ci, elle désirait certainement une "étude" plus détaillée de la personne.
-Je, euh... Pour tout dire, je ne sais pas vraiment.
-T'as pas mieux pour éviter la question? intervint Aethyta. Foen grinça des dents.
-Foen Hix ! C'est le nom que je me suis choisis.
Elle s'adossa au comptoir, prenant appuis sur ses coudes.
-Scylla, hein? T'es plutôt bizarre. Tu aime le spectacle? Je ne vois pas pourquoi tu serais restée dans ce bar, autrement. Un faux mouvement avec ma lame et ta vie aurait pu se réduire de manière radicale.

-Un gars de l'alliance... et commandant ! Il n'y aurait pas du boulot pour moi? Chasser les criminels est plutôt ludique mais les plus gros poissons sont difficiles à trouver. J'ai certains projets et les primes que je rafle me servent seulement à ne pas sombrer.
Elle commanda un "comme d'habitude" sur le compte de Scylla et but son verre cul-sec.
-Et je le demande aussi à la civile. Tu es quelqu'un de pas banal. Ca m'étonnerais pas que tu sois la cible de personnes plus ou moins malintentionnées. J'ai tords?
Un autre verre, cette fois-ci sur le compte d'Ellhann. Il fallait dire qu'elle en profitait.
-Je ne crois pas que je doive démontrer plus encore mes compétences. C'était assez parlant, vous ne trouvez pas? questionna-t-elle alors que la réponse était connue de tous. Elle était décidément très sûre d'elle.
Son regard convergea vers Scylla. Foen était fascinée. L'humain, lui, voyait les choses différemment. Il la prenait simplement pour une diplomate doué. Pourtant, ce qui était impressionnant, c'était cette aura mystique et religieuse qui émanait d'elle. Elle avait quelque chose d'apaisant.
Cette aura pieuse ravivait ses souvenirs. Elle se rappelait vaguement d'une immense salle allongée dont le plafond était si haut qu'il se perdait avec l'immensité de l'espace, entourées de cariatides toutes en courbes. Le sol était recouvert de dalles en métal poli, tellement bien astiquées qu'elle s'y voyait comme dans un miroir. Son reflet lui était étranger. Ce qu'elle voyait, c'était une prêtresse au regard si tranquille qu'il était impossible qu'il puisse lui appartenir.
La salle semblait se perdre dans un amas brumeux. Foen avait l'impression que rien d'autre à part ce temple n'existait dans son monde. Mais elle n'était pas seule.
En relevant la tête, elle aperçut une autre Asari qui partageait les mêmes traits qu'elle. Elle portait une armure ornementale richement décorée et elle était coiffée d'un casque spartiate. Cette dernière la regardait durement.
C'est... ma sœur.
Aussitôt après avoir formulé cette pensée, Foen ressentit une haine vivace. Le bien-être qui l'avait submergée était à présent bien loin. Elle prit un air rageur et agrippa le col de l'Asari. Elle avait envie de la tuer, de la réduire à néant, même si elle ne connaissait pas les raisons d'une telle colère.
Foen brandit son poing avec la ferme intention de la frapper.
Elle ne se rendit compte que quelques instants après que l'Asari qu'elle avait agrippé n'était autre que Scylla. Son monde autour d'elle s'effondra alors qu'elle découvrait petit à petit ce qu'elle était en train de faire.
Elle regarda la Sibylle avec de grands yeux tout en prenant conscience de ce qu'il venait de se passer. Elle avait retrouvé un fragment de ses souvenirs.
Foen avait un air ahuris. Elle était encore en train de digérer ce qu'elle avait vu. Sous l'impulsion d'Aethyta, elle se rendit compte qu'elle tenait toujours Scylla par la gorge. La guerrière desserra son étreinte avant de se tourner vers le comptoir pour s'y affaler.
-Désolée, dit-elle troublée.
De l'extérieur, la situation devait paraître assez cocasse. Foen venait de se proposer pour assurer une protection à la Sibylle et voila qu'elle était elle-même devenue un danger pour Scylla l'espace d'un instant. La chasseuse de prime serra son poing, bien décidée à cogner le premier qui fera la remarque.

Elle avait dérapé. Bon, ce n'était pas la première fois que ça lui arrivait, surtout lorsqu'elle était dans un bar. Mais là, Foen avait agit contre une civile qu'elle aurait facilement pu tailler en pièce, simplement sous l'impulsion d'un souvenir. Elle était à la fois heureuse et mal à l'aise. Heureuse d'avoir retrouvé une partie d'elle-même et mal à l'aise pour s'en être pris à Scylla.
C'était décidément une drôle de journée. Elle ne s'était jamais autant questionné qu'aujourd'hui. Cette Sibylle avait une influence néfaste sur Foen ; il fallait dire qu'elle la rendait plus instable que d'habitude. Et pourtant, c'était la première fois qu'elle forçait la boite grise à recracher ses souvenirs. Elle avait une vague idée sur le pourquoi du comment, mais son esprit était encore bien trop embrouillé pour y réfléchir.
Cette Scylla était importante pour elle. Si la simple présence de la Sibylle avait su ouvrir sa boite grise, Foen ne doutait pas que d'autre occasion pourraient se présenter à l'avenir.

Elle redoutait les regards, les remarques. Son comportements avait été des plus étranges et elle en était bien consciente. Étrange de son point de vue. Foen avait même été jusqu'à bafouiller, un comble. Elle se sentait idiote face à l'incompréhension de son public.
Elle décida donc d'arrêter le massacre et de récupérer de son trouble dans un autre endroit.
Foen se leva subitement en évitant les regards.
-Hé bien... Merci pour le verre. Mais j'ai des choses à faire, dit-elle d'un ton tranchant.
Elle n'attendit pas pour tourner les talons et quitter le bar.


La chasseuse de prime s'était adossée contre un mur non loin de la sortie de l'éternité. De son coin sombre, elle pouvait surveiller les aller-venues sans attirer l'attention, et elle avait une furieuse envie de parler à Scylla.

Le Slave II s'immobilisa sur la plateforme qu'on lui avait assigné. L'ancien patrouilleur turien modifié par les soins du chasseur de prime était à peine plus gros qu'une navette. Malgré sa taille, il restait pas moins d'une maniabilité extraordinaire lors des affrontement spatiaux. Ridley Brain essayait cependant de les éviter autant qu'il le pouvait. Il n'avait pas les talents de Kimblee pour le piloter bien qu'il puisse tenir tête à des pilotes chevronnés.

Le chasseur de prime détacha ses sangles et parcouru la coursive centrale. Il passa devant l'une des cellules qu'il avait aménagé pour ses prises. Derrière la verrière en plastacier transparent couplé à un champs de force, le butarien lui lança un regard mauvais.

"Ça y est? on est arrivé? Je crève la dalle, donne moi à bouffer! Tu dois me livrer en vie non?"

L'humain le toisa à travers la visière de son casque et, sans lui répondre, reprit son chemin vers le SAS de sortie. Oui il devait le livrer en vie et il connaissait la résistance de ces "batards", il survivrait. Pour l'instant, un autre contrat juteux était tombé et il avait décidé de faire un crochet par Illium comme lu avait demandé son nouveau commanditaire.

Ce dernier n'avait pas jugé bon de dévoiler son identité, ni même la nature de sa mission. L’acompte ayant déjà été versé et la promesse d'un payement important avait suffit à convaincre le chasseur de prime. Il n'était pas rare que les commanditaires fassent profil bas. Et encore plus qu'il y ai de mauvais payeurs. Ceux ne remplissant pas leur part du marché finissaient immanquablement par être retrouvé par leur "prestataire de service". Ridley Brain se souvint non sans une certaine nostalgie ce turien d'oméga qui avait essayé de filer et de lui échapper. Son corps devait encore dériver dans l'espace s'il ne s'était pas écrasé sur l'un des nombreux astéroïdes gravitant aux alentours de la station.

Dès que l'humain posa le pied sur la passerelle d’appontage, une transmission codée lui parvint. Il la décrypta avec sa clef personnelle. La cible se trouvait être une Asari. Peu étonnant sur Illium. Aucune information autre que ça photo et le lieu où elle venait d'être aperçu n'était lié à son profile. Qu'importe, c'était amplement suffisant pour la retrouver et la neutraliser. Le contrat stipulait de préférence vive.
Ridley n'aimait pas prendre des risques inutiles. Aussi les rues et lieux publics étaient à cette heure bondée. Il ne pourrait la capturer immédiatement sans attirer l'attention. En temps normal, il l'aurait suivit, observé et échafauder un piège dans lequel elle serait irrémédiablement tombé. Ridley avait cette faculté de savoir prévoir. Sa ruse était sans doute son arme la plus puissante.

Mais pour l'heure il avait deux contrats à remplir. Et il lui fallait livrer rapidement le butarien au risque de voir sa prime diminuer pour chaque jour de retard de livraison. Il n'avait donc pas le choix, il lui fallait éliminer la cible, l'autre alternative lui demandant trop de préparation.

Le chasseur de prime s'engagea dans les rues bondées. Malgré son armure de la tête aux pieds, personne ne semblait lui porter d'attention ou plutôt, personne ne voulait prendre le risque de s'attarder sur lui. Sa dernière mission sur Illium avait été un succès rapide et exécuté avec excellence. Il avait travaillé pour le compte d'une certaine Nassana Dantius qui n'était pas très regardante à la dépense. Brain avait appris après coup que la cible n'était autre que l'une des soeurs Dantius. Personne n'avait jamais réussis à remonter la piste du chasseur de prime bien que la diplomate asari aie été soupçonnée. Aucune preuve tangible ne fut découverte. C'est pour cela que Ridley avait une réputation de chasseur implacable et redouté. Il n'avait jamais connu la défaite. Tout du moins si l'on excepte cette fameuse quarienne mais ce n'était que partie remise.

Cette dernière pensée fit bouillir le sang de l'humain mais il reprit vite son calme. Il le fallait. Déborder d'une émotion, quelle qu'elle soit entraînait irrémédiablement des erreurs. L'humain emprunta un petit passage suspendu longeant un bâtiment rectangulaire. Au dessous de lui se trouvait pas moins d'une trentaine d'étages, sans compter la distance de sécurité avant d'atteindre le sol de la planète où régnait une chaleur infernale.

Ridley, désormais seul et à l'abris de la vue de tous, emprunta une échelle antique pour gagner le toit. De là, il pu bondir sur le building voisin. Il vérifia son itinéraire sur la carte holographique de son omnitech et descendit dans un conduit de maintenance pour arriver sur un chantier. Un nouveau transport public était en construction. Il s'engagea sur un ponton en cours d'assemblage, traversant les échafaudages pour accéder de l'autre coté d'un des boulevards principal de Nos Astra. Enfin, il regagna les hauteurs pour constater qu'il était bien là où il l'avait prévu.

De l'autre coté de la grande rue se trouvait le bar où était normalement sa cible. Il se mit en position et activa son fusil sniper. Il promena sa visée sur la grande baie vitrée de l'éternité. Une quarienne, un turien, un galarien, un humain blond avec une armure N7... il passait chaque client en revue. L'humain le surpris quelque peu mais il s'en détourna bien vite en voyant sa manière ridicule de gesticuler.

Il repéra enfin l'objet de son contrat et sa vidée se positionna entre les deux yeux de son joli crane bleu. Nul doute, il s'agissait bien d'elle. Le doigt du chasseur de prime effleura la gâchette, prêt à appuyer sur la détente.

Lorsque le commandant de l'alliance passa juste devant le coin sombre ou était "cachée" Foen, celle-ci eu un sourire amusée. Il cherchait vraisemblablement quelqu'un et la chasseuse de prime avait une petite idée de ladite personne.
Il faudrait peut-être que t'investisse dans de nouveaux yeux, mon grand.
Ce n'était de toute façon pas lui qu'elle attendait, et qu'il ne la trouve pas ne la gênait pas le moins du monde. Elle resta donc sur place, bras croisé, à attendre pendant qu'Ellhann revenait bredouille à l'éternité.

Foen leva la tête et regarda les hauteurs d'Illium d'un air absent. Elle pouvait enfin réfléchir calmement sur les derniers évènements sans être dérangée par qui que ce soit. Avec la première impression qu'elle avait eu du commandant, elle se doutait que la discussion allait durer un petit bout de temps.
De ce qu'elle se souvenait, Foen ne s'était jamais attaché à personne. C'était une solitaire dans l'âme, à parcourir la galaxie dans un but strictement personnel. Elle ne s'était jamais imaginée que quelqu'un puisse l'aider de manière significative. Pourtant, les faits étaient là. Cette Scylla avait su réveiller une partie des souvenirs enfouis dans sa boite grise. Foen ne pouvait pas se permettre de ne pas la suivre, ni de ne pas en savoir plus sur elle. La Sibylle était importante pour la quête qu'elle s'était fixée. Et qu'importe ce qu'en pensait Scylla. Foen n'était pas du genre à lâcher prise.

Les yeux dans le vague, son regard fut attiré par une silhouette accroupie sur un des buildings qui faisait face à l'éternité. Foen ne savait pas l'identifier précisément à cause du contre-jour. Tout ce que la chasseuse de prime apercevait, ce n'était qu'une forme sombre et floue.
Elle crut tout d'abord que ce n'était qu'un simple technicien venu réparer de quelconques conduits électriques. Mais elle eut une tout autre intuition.

Comme dans beaucoup de situations délicate qu'elle avait vécu, Foen ne s'en était pas sortie en comptant simplement sur sa force brute. Lorsqu'elle était en danger, elle développait un sang froid et une capacité de raisonnement accrue. Elle savait ce que c'était : l'expérience du vétéran. Bien qu'elle n'ait plus aucun souvenirs de sa vie passée, ses sens n'avaient pas été altérés, ni ses capacités. C'était en partie pour cela qu'elle avait supposé, et peut-être à juste titre, qu'elle était une guerrière aguerrie et expérimentée avant de perdre son identité.

La silhouette faisait face à la baie vitrée du bar. C'était un angle de tir parfait pour assassiner une personne dans l'éternité en toute discrétion. À cette hauteur, le tireur n'était pas visible des clients du bar, mis à part s'ils se baissaient et qu'ils regardaient comme par hasard dans la bonne direction, ce qui était peu probable.
Elle ne savait pas ce qu'il visait. Elle ne savait pas réellement s'il était un assassin mais sa nature paranoïaque lui dictait de se défendre de tout. Et si jamais la diplomate Asari était prise pour cible, Foen ne faisait pas confiance à Ellhann pour assurer sa protection. De toute manière, qui donc pouvait prévoir quelque chose qu'il était impossible de voir?
Ces réflexions n'avaient pas durées quelques centièmes de secondes que déjà Foen s'élançait vers l'éternité. Sa nature impulsive avait vite pris le dessus et, quoi qu'il se passe, la chasseuse de prime n'avait plus qu'une idée en tête : Protéger Scylla. Elle n'était pas à l'abris d'une balle perdue. Il arrivait parfois qu'un tireur, même compétent, se trompe de cible à cause d'un imprévu. Dans certaines situations, un pas de trop était suffisant pour tuer un innocent.
Elle bouscula bon nombre d'Asari durant la courte allée qui la séparait du bar. Foen l'aidant, la porte s'ouvrit plus vite que prévu. Le reste des évènements s'enchaînèrent sans beaucoup de cohérence. L'adrénaline donnait un sens supplémentaire à l'Asari qui lui permettait d'enchaîner les actions plus rapidement.

Ridley Brain appuya sur la gâchette. Un sourire satisfait s'étala sur son visage alors que la balle se précipita vers sa cible dans une course meurtrière.

Foen arriva à l'intérieur de l'éternité en se faisant remarquer une fois de plus. Toutes les têtes se tournèrent vers l'Asari qui continuait de courir vers Scylla contre vents et marées. Cette dernière se trouvait en plein milieu de la grande salle. Une cible facile.
La chasseuse de prime eut juste le temps de remarquer la stupéfaction sur le visage de la Sibylle avant qu'elles ne tombent toutes les deux à la renverse après un saut magnifiquement exécuté par Foen. La balle traversa la baie vitrée qui explosa en répandant une multitude d'éclats de verre avant de passer juste au-dessus de la tête de Scylla. Elle finit sa course dans celle d'un autre client du bar. À peine tombée sur le sol, Foen décrocha son pistolet Prédator et tira dans la direction du sniper.
Elle n'avait jamais été un très bon tireur, et les quelques balles ne firent que siffler aux oreilles de Ridley pendant qu'il se repliait. Foen fronça les sourcils tout en gardant son bras levé dans la direction du chasseur de prime. Imperturbable, son regard en disait long sur son état d'esprit.

Alors qu'Ellhann s'élançait pour rattraper l'assassin, Foen baissa les yeux et reporta son attention sur Scylla. Elle avait l'air absente, probablement sous le choc. D'abord venait l'incompréhension, ensuite l'affolement et Foen voulait éviter cela autant que possible. Elle attrapa la Sibylle par les épaules et la secoua doucement.
-On se réveille ! aboya la chasseuse de primes pour couvrir le brouhaha naissant des clients. Il faut se tirer d'ici vite fait. Je sais que je te dois des explications, mais pas maintenant. Pas ici.
Elle risqua un coup d'œil vers Aethyta qui restait stoïque et silencieuse. C'était son attitude pour signifier son approbation. Foen voulait partir avant l'arrivée des autorités qui ne se gêneraient pas pour l'inculper, elle. Il n'était pas très bon non plus pour une victime en sursis de rester dans les même lieux ou s'était déroulés un attentat contre sa personne.
Aux cris qui fusaient un peu partout dans la salle, Foen devina que le cadavre de la civile devait avoir été découvert. L'hébétement fit rapidement place à la panique et la guerrière en profita pour tirer Scylla dehors.

Cette dernière, qu'elle ait voulu résister ou pas, n'aurait pas pu faire grand chose contre la poigne de Foen. Elles passèrent les portes du bar en marchant rapidement et s'avancèrent dans les allées d'Illium en évitant le plus possible les rues bondées. Dans certaines ruelles un peu trop glauque traînaient des Turiens camés que la chasseuse de prime faisaient fuir d'un regard assassin. Les deux femmes marchèrent ainsi pendant dix bonnes minutes avant de ralentir le pas dans une sombre ruelle à proximité des docks.
Foen lâcha le poignet de la Sibylle et se retourna pour lui faire face. Elle la toisa quelques longues secondes avant de s'adosser contre le mur de tôle en croisant ses bras.
-Ca devrait être bon, lâcha-t-elle prestement. On a toutes les deux des choses à se dire, non?
"Tu commence. Je t'ai vraisemblablement sauvé la mise, tu peux bien m'expliquer pourquoi on t'as tiré dessus."

Foen écoutait Scylla attentivement sans piper un mot. Elle arrivait plus facilement à garder son calme dans une situation critique, contrairement à la Sibylle. La guerrière haussa les sourcils lorsque son interlocutrice lui donna des ordres. À la fin de son monologue, Foen interrompit leur marche et posa ses mains sur les épaules de Scylla pour lui faire face, yeux dans les yeux.
-Okay mais d'abord, on se calme. Qui t'as dit que je voulais t'aider à ce point?
Elle fixa Scylla, imperturbable, avant de secouer sa tête de dépit. Elle laissa retomber ses bras le long de ses flancs.
-Une impression, sans doute. J'ai compris... Et j'espère que tu respecteras ta promesse.
"Toutefois, je pense que tu vas un peu vite. Tu veux que... je dise que tu es morte? Ca ne se fait pas comme ça d'un coup de baguette magique. T'as vraiment envie de falsifier les rapports des autorités galactiques? Laisser sous-entendre aux médias que la diplomate Scylla Sa'ara est morte d'une balle dans la tête? À moins que tu n'ai un clone ou une sœur jumelle que je pourrais éliminer (le cadavre pourrait alors être identifié comme le tiens) je ne vois pas comment faire pour empocher la prime.
Ou alors, je te livre de ton plein gré. Le problème, c'est que je vois mal comment on pourrait fêter notre réussite alors que tu te trouve aux mains de l'ennemis. Le bon côté des choses, c'est que tu sauras enfin qui te veux du mal. Pas vraiment utile si on est obligé d'arriver à cette extrémité.
C'est un peu comme si je t'envoyais danser le french cancan devant la tête d'un dévoreur affamé alors que tu hurle à tue-tête : "N'hésite pas, ma chaire est tendre et appétissante !"
Haussement d'épaule.
-Ou bien tu as une meilleure idée que mon esprit limité n'a pas pu envisager ?!
Elle était susceptible avec tout ça. Le "T'as compris?" de Scylla lui avait lâché une grimace de mécontentement. Elle réfléchit un moment.
-D'accord, j'ai peut-être bien l'esprit limité, dit-elle enfin dans un soupir. Ce n'est pas une fatalité en soit. Il y a d'autres domaines dans lesquels j'excelle. N'est-ce pas?
Devant le manque de réaction de la diplomate, Foen haussa un sourcil. Elle prit un air abattu.
-Je sais que je suis la meilleure. Ressaisis-toi, Foen. Tu es la meilleure ! Quelle idée de penser le contraire.
Elle donnait l'impression d'avoir un esprit à grand potentiel sans avoir l'expérience pour en montrer les vraies capacités. Un peu comme si elle essayait de sculpter du marbre avec un pinceau alors qu'elle avait logiquement apprit à se servir d'un marteau et d'un burin.
-Pour en revenir à l'Assassin... nous, chasseurs de primes, ne sommes qu'une arme dirigée vers... et bien, vers on ne sait qui. Les contrats ne nous donnent aucunes autres informations que le dernier endroit visité par la cible et son apparence physique. Et bien souvent, les commanditaires restent anonymes.
" En tout cas, ce chasseur a essayé de te tuer. Il a dû juger que tu n'étais pas assez importante pour te transporter vivante. On ne doit pas t'en vouloir tant que ça, même si c'est préférable d'avoir une prime élevée comme épée de Damoclès. Souvent, les commanditaires demandent expressément aux chasseurs de ramener ceux-là vivants ...bien que ce soit pour avoir le plaisir de les tuer eux-mêmes. Généralement. Ils veulent savoir à qui ils ont à faire et si ces types sont aussi intéressants qu'ils en ont l'air...
Foen toussota. C'était l'occasion de découvrir une nouvelle facette de la furie : elle parlait beaucoup plus qu'elle n'en avait l'air à première vue. De plus, il lui semblait impossible de ne pas s'éparpiller lorsqu'elle était lancée sur un sujet de conversation.
-Bref, maintenant, c'est ce chasseur de prime qui en fera une affaire personnelle. Je ne dis pas ça par ce que je représente une majorité de chasseurs ...et que dans mon cas, je prendrais cet échec comme une offense personnelle et redirigerais mon attention sur toi... Pour ton déplaisir...
Nouveau toussotement de la part de la guerrière.
-...que cette personne fera de même. Mais il m'en à l'air bien capable. Dans tout les cas je doute fortement qu'il s'arrête à cet échec.
"Ce type s'en prendra de nouveau à toi quand tu seras seule. Tu crois que je vais te laisser fureter dans ton coin ? C'est soit tu viens avec moi, soit je viens avec toi."
Foen n'avait plus rien d'effrayant. Elle avait un sourire en coin et son regard s'était adouci. On aurait presque pu la prendre pour une Asari normale. Presque.
Elle fit apparaître son omni-tech sur son bras droit.
-Ce n'est pas bien difficile de retrouver un contrat spécifique... Quand on sait ou aller. Ah, voila... Scylla Sa'ara.
Le regard fixé sur son outil holographique, la chasseuse de prime lut attentivement le dossier qu'elle avait trouvé sur l'extranet. Au bout de quelques minutes, elle releva la tête avec un franc sourire.
-Je suis ravie de t'annoncer... Qu'on a aucune informations sur le commanditaire, dit-elle en lui montrant le contrat. Tu n'en sauras pas plus par cette voie-là, à moins de parler aux bonnes personnes. Et je connais quelqu'un qui serait susceptible de... m'écouter. Histoire d'au moins savoir quel est le chasseur de prime qui veut ta peau.
L'Asari craqua les jointures de ses doigts. Elle aussi faisait de la diplomatie. De la diplomatie musclée.
-Oméga, dit-elle dans un souffle.